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17 septembre 2018

Le compromis comme méthode : sortir de l’ère du soupçon

L’hypothèse que nous formulons est que pour transformer le monde, l’améliorer afin de produire une vie bonne et dans la dignité pour tous il est nécessaire de construire des compromis. Pour aboutir à cela il faut en passer par le dialogue. Dialogue et compromis sont au fondement de nos démocraties. Marcel Gauchet, qui interroge notre conception de la démocratie le dit : « Est-ce que la démocratie, c’est le pouvoir de 52 % qui s’impose à 48 % ? Bien sûr que non? La démocratie, c’est le compromis. C’est un état infantile de la démocratie que de croire que sa propre opinion va s’imposer aux autres parce qu’on est majoritaire. Par définition, la démocratie est faite de contradictions, d’intérêts divergents… C’est de la toute-puissance infantile, et tout homme ou femme politique sensé sait bien qu’il ou elle ne pourra pas imposer sa vision ni mettre en œuvre son programme sans compromis. » (Témoignage Chrétien, le  1er décembre 2016)

La notion de compromis intervient, écrit Paul Ricœur, lorsque plusieurs systèmes de justification (c'est-à-dire des arguments et des valeurs)  sont en conflit. im-right-1458410_640L’hypothèse de base est qu’aucune société ne dispose d’un système unique de justification de ce qui est juste ou injuste. « Le problème du compromis est qu’on ne peut pas atteindre le bien commun par une justification unitaire, mais seulement par la mise en intersection de plusieurs ordres de grandeur. Le compromis est donc essentiellement lié à un pluralisme de la justification, c’est-à-dire aux arguments que les gens mettent en avant dans les conflits ».

Le compromis est souvent présenté comme une idée faible, pas très éloigné de la compromission. Dans le compromis, chacun reste à sa place, personne n’est dépouillé de son ordre de justification, de son système de valeurs, de ses arguments.Paul Ricœur prend l’exemple du travail le dimanche : « Prenons par exemple les discussions qui existent actuellement sur l’ouverture des magasins le dimanche. Il y a conflit entre l’intérêt du commerce et, d’autre part, les droits familiaux et les droits du citoyen au sujet du repos. La recherche du compromis est ici délicate. J’ignore sur quoi elle débouchera, mais nous n’avons pas affaire à une compromission ou à un consensus. Le consensus supposerait, dans ce cas, le nivellement de tous dans un magma. Le compromis est toujours faible et révocable, mais c’est le seul moyen de viser le bien commun. Nous n’atteignons le bien commun que par le compromis, entre des références fortes mais rivales ».

Le compromis nécessite la négociation, donc le dialogue, donc la reconnaissance de l’autre, de son point de vue.

Nos sociétés sont contraintes « d’inventer une civilisation du compromis », parce que nous vivons dans une société multiculturelle, de plus en plus complexe, où il y a partout de l’autre, de la différence. « Nous n’allons pas vers une société qui serait forcément plus pacifique, nous allons vers une société où les rôles tenus par les uns et les autres sont de plus en plus nombreux et interdépendants ».

Ainsi mettre en avant le compromis, c’est avant tout élaborer « un protocole d’accord entre des parties rivales, pour lesquelles on n’a pas trouvé de principe supérieur à celui que revendique chacune des parties. Chacune des parties a un argumentaire, mais il n’y a pas de super-argumentaire qui engloberait les deux argumentaires ».

Paul Ricœur justifie cette approche en ces termes : « Comme nous n’avons que des références fragmentaires, c’est entre ces références-ci que nous sommes obligés de faire des compromis. Comme toute personne appartient à plusieurs ordres de grandeur, c’est en les prenant tous en compte qu’un compromis peut être trouvé. Nous sommes tous mesurés à des aunes différentes ; nous sommes des citoyens, des consommateurs, des travailleurs, des amateurs d’art... Le compromis est ce qui empêche la société de tomber en morceaux. »

C’est la seule manière d’échapper à la violence, qui est déjà là, avec une formidable « brutalisation » du discours dans nos sociétés et une dissémination de la haine. Ce qui veut dire que le compromis n’est pas toujours possible et parfois impossible.

Cela interroge notre conception française de l’intérêt général qui se place toujours en surplomb des intérêts particuliers et d’une certaine manière dans leur négation.  Cela pose la question de la vérité, de ce qui est négociable et de ce qui ne l’est pas. Cela pose la question du discours, de la place du mensonge et de la peur au sein de celui-ci.

Cela exige de la méthode, des lieux et des temps pour l’élaboration des compromis, une évaluation permanente de l’effet de ces compromis. Nous devons engager une réflexion sur la méthode et les outils. Pour cela nous devrons approfondir un certains nombre d’axes répondant à deux questions, qui ? et comment ? :

- L‘élaboration de diagnostics partagés.

- La construction d’une négociation multi-acteurs, prenant en compte les postures de chacun et les absents potentiels.

- La conduite de stratégies complexes combinant des approches économiques, sociales, écologiques, culturelles etc.

- Le processus à prendre en compte.

- L’évaluation permanente des résultats.

D’où, comme l’affirme Antoine Garapon : « l’attention  prêter au traitement véritablement civique des conflits, pour en faire l’un des ressorts du dynamisme de nos démocraties contemporaines, depuis les rapports sociaux dans l’entreprise jusqu’aux conflits les plus quotidiens ».  Le compromis n’ignore pas le conflit, il en découle. Nous devons sortir définitivement de l’ère du soupçon sur cette question.

Ce qui permettra d’avoir pour projet ce que Paul Ricœur nomme « la visée de la vie bonne, avec et pour les autres, dans des institutions justes ».  

 

Antenne sociale, commission sur le politique, Septembre 2018



[1]             Témoignage Chrétien, le  1er décembre 2016

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