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15 octobre 2021

FRATERNITE

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Le mot Fraternité figure sur nos frontons après la Liberté et l’Egalité. Elle semblait un peu mise à l’écart pour privilégier les deux autres ! N’y a-t-il pas retour en force de cette valeur ? « Après demain qu’est ce qui doit changer ? ». Fratelli Tutti nous invite à retrouver dans la Pensée Sociale Chrétienne cette Fraternité autour de la solidarité, de la justice de l’amour du prochain répondant ainsi à notre interrogation devant les fractures et les inégalités qui s’amplifient.

1 Les points communs de différents auteurs qui s’expriment sur ce sujet :

La fraternité est une réponse au contexte de crise 

Quelques mots ou maux définissent pour eux la crise de notre société : libéralisme, populisme, individualisme dans un contexte de peur lié au terrorisme mis en lien avec le monde de l’Islam. C’est bien la critique du chap.1 de Fratelli Tutti ! « Gavés de connexions…nous avons perdu le goût de la fraternité et la peur nous prive du désir et de la capacité de rencontrer l'autre (FT 41) Devant un monde poly fracturé il faut une réponse car la crise du lien, c'est la mère de toutes les crises, la recréation du lien, c'est la mère de toutes les batailles. (Télérama) La crise rappelle le sens du collectif, l’intensité et l’importance de la fraternité. « la fraternité est mobilisée » (D. Coatanea) spontanément et de façon naturelle (les applaudissements de 20h ! )

Une fraternité à mettre en actes : pas seulement des mots, mais du concret au quotidien 

La Fraternité c’est du concret : celle des associations de solidarité avec la dimension du souci de l’autre sans être uniquement dans le déclaratif. C’est une attitude d’entraide et de solidarité. Régis Debray dans le « Moment Fraternité » envisage « une fraternité sans phrases ... qui puisse en faire autre chose qu'un fumigène : un labeur de chaque jour ». Dans la conviction que l'économie seule ne fera jamais une société. Le pape François dit « Je livre cette encyclique sociale… pour que, face aux manières diverses et actuelles d’éliminer ou d’ignorer les autres, nous soyons capables de réagir par un nouveau rêve de fraternité et d’amitié sociale qui ne se cantonne pas aux mots » (FT 6)

2 Parce que la Fraternité, c'est quoi au juste ? Des lectures différentes

Du latin fraternitas qui désigne les relations entre frères, entre peuples, la fraternité est, selon le Petit Larousse, le « lien de solidarité et d'amitié entre des êtres humains, entre les membres d'une société ». Ce lien existe au sein de groupes particuliers comme les corporations de métier, entre « frères d’armes », dans les associations : fraternité scoute, monacale, franc maçonne ou sportive, mais des liens qui peuvent devenir aussi ceux de l’entre soi et de l’exclusion.

La notion varie selon les époques et selon la lecture : républicaine, philosophique, chrétienne… mais tous lui reconnaissent une dimension spirituelle et universelle, un rôle de lien, facteur d’unité pour accueillir les différences et désamorcer les conflits. Lors de la Fête de la Fédération, le 14 juillet 1790, premier anniversaire de la prise de la Bastille, La Fayette, commandant de la Garde Nationale, la consacre lorsqu'il prête serment:« Nous jurons de demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité » Mais elle ne figure pas dans la Déclaration des Droits de l’Homme : il faudra attendre 1848 et la constitution de la Deuxième République pour que cette valeur donne naissance au triptyque Liberté, Egalité, Fraternité et figure dans les constitutions de 1948 et 1958.

La Fraternité, principe républicain, au même titre que l'Egalité et la Liberté tend à garantir l'unité du pays et sous-tend la tolérance et la solidarité entre les citoyens. Elle devient le symbole d’unité relayant la figure du Roi. En France, la fraternité est indissociable de l'égalité. "La fraternité républicaine contient en elle le fait que l'on est frères parce que l'on est tous égaux » avance E. Grieu. Au XIXème dans les discours fraternitaires et moraux des socialistes utopiques, la Fraternité est nécessaire pour soutenir Liberté et Egalité dans une époque marquée par des épisodes violents au nom de ces deux principes, (barricades de 1830, canuts à Lyon, 1848 et la Commune) Elle se veut conciliatrice et rassurante. Dans la même lignée, pour Edgar Morin la fraternité est comme un ciment d’unité mobilisant pour plus de justice sociale et pour la paix dans la Cité : « la fraternité est ce qui fait tenir le triptyque », ajoutant : « Seule la fraternité permet de maintenir la liberté tout en luttant contre les inégalités » et non pour l’égalité !

La Fraternité chrétienne, fondée sur la tradition juive est la reconnaissance que tous les humains ont quelque chose en commun : avoir été créés ! Elle est, elle, "d'emblée positive" estime E. Grieu. "Il y a quelque chose qui nous rapproche, qui est de l'ordre d'un appel, qui vient de plus loin que tout ce que l'on peut maîtriser, qui vient de Dieu, et qui nous renvoie vers nos frères et nos sœurs avec qui on peut vivre quelque chose du même ordre que ce dont on a bénéficié de la part de Dieu." Pour le chrétien, nous sommes tous enfants de Dieu, donc frères, même si Caïn, Joseph nous montrent que la violence entre frères est une réalité de la famille humaine, que la fraternité est loin d’être spontanée ! Le mot Fraternité s’impose dans l’encyclique « Fratelli Tutti » Avant c’était celui de solidarité cité 15 fois pour un seul chapitre de « Sollicitudo Rei Socialis ( la question sociale ) par Jean Paul II (1987) avec l’ exigence d’être attentif aux plus fragiles . C’est une attitude d’ouverture aux autres faite d’écoute, de disponibilité, une attitude active « qui fait l’impasse sur la difficulté à vivre en frères » Ce ne peut être une fraternité de l’entre soi. Ne « restez pas entre vous » nous dit le pape François, ouvrez-vous ». Pour le jésuite Christian Mellon, Fratelli Tutti concilie fraternité universelle et identité nationale, fraternité et identité personnelle. Le pape soutient la revendication d’identité. Je ne peux reconnaitre l’autre comme frère, l’appeler « mon frère » si je ne sais pas qui je suis moi-même ! » C’est l’ouverture aux autres (pensons aux migrations !) à travers le polyèdre qui reflète la diversité des approches, des cultures, des environnements. Le pape se déclare « contre un modèle culturel unique » qui ne respecte pas les identités! La Fraternité c’est le Bon Samaritain, le « prochain sans frontières » et non la Tour de Babel, unité factice, faux rêve d’universalisme, et de culture uniforme.

Le « Nous » et non le « moi Je » pour des philosophes, des sociologues, des théologiens…

Quelque chose de plus pour Régis Debray et Abdennour Bidar qui nous dépasse, est de l’ordre du transcendant et du sacré qui permet aux hommes de vivre ensemble. C’est toute la question du « Moment Fraternité » de R. Debray : comment le « Nous » peut faire une fraternité ? Comment, au royaume morcelé du moi-je, retrouver le sens et la force du nous ? : Elle s’adresse au « Nous de la Communauté humaine de personnes» et non au nous des médias et des sondages ni à celui des stades. De même le pape François »Il nous faut constituer un "nous" qui habite la Maison Commune ». (FT 17) Une fraternité universelle entre tous les membres de la famille humaine qui articule le local et le mondial, qui articule ce dont nous sommes les héritiers et que nous avons à transmettre à la génération qui s’annonce pour donner des repères et connaitre nos racines dans une société dont certains disent qu’elle est devenue « liquide » ! 

Pour le philosophe musulman Abdennour Bidar « C'est la politique de la main tendue, du rejet des fractures sociales avec des inégalités de plus en plus fortes mais également de fractures culturelles se cristallisant autour de l’islam ».

 

3 Des pistes pour une fraternité et une « amitié sociale »

L’éducation est une proposition concrète pour une France fraternelle.  L’école est cet espace éducatif où on peut apprendre à débattre, à s’ouvrir à des visions du monde diverses.

A. Bidar en souligne l’importance dans son plaidoyer : « Si on ne veut pas que s’installe la guerre des libertés et le conflit des égaux, il faut nécessairement que les humains apprennent d’abord à se reconnaître frères… la laïcité à la française restera inopérante si elle ne fait pas fond sur « un sacré partageable ... Fais à autrui tout le bien que tu voudrais qu’il te fasse ». Il est urgent de retrouver la dignité politique et la priorité éducative de ce commandement de la fraternité universelle, le seul à pouvoir assurer « le réchauffement spirituel de la planèteIl commence dans la lutte pour une fraternité sans frontières, qui travaille aussi bien à réduire les inégalités sociales qu'à combler les distances, les « coexistences» sans mélange, les fossés d'incompréhension, le choc des ignorances, des rejets et des peurs, entre les cultures et les croyances. Quand je parle du sacré et du spirituel, son sens est très simple : il surgit de cette fraternité qui crée du lien et qui fait grandir en humanité… vivre spirituellement c'est vivre relié : à soi, aux autres, à la nature et à l'univers. »Le Pape François soutient ainsi : « Ce qui est bon, c'est de créer des processus de rencontre, des processus qui bâtissent un peuple capable d'accueillir les différences. Outillons nos enfants des armes du dialogue! » (FT 217).et D. Coatanea explique que l’être, son histoire et son territoire sont inséparables. C’est ainsi que la fraternité est enracinée dans un substrat culturel « L’éducation est en cela le terreau fertile de la fraternité » La fraternité n’est pas une réponse mais un processus de vie sans cesse mis à mal et sans cesse à reprendre partout et en tout temps.

L’engagement politique avec le sens du collectif pour le Bien commun basé sur la fraternité

Ainsi pour Michel Barnier la fraternité universelle réclame des institutions  : « faire réponse, ensemble, et placer la fraternité et le sens du collectif au cœur d’un projet politique, inspiré par la démocratie chrétienne ».« Chacun de nous est nécessaire. » Un projet politique n’a de sens que s’il ordonne l’utilité de chacun dans un dessein collectif. La dignité est à ce prix. Le pape François  rappelle également que la liberté sans fraternité devient une « condition de solitude et de pure indépendance ». Aujourd’hui avec l’affaire Cédric Herrou le principe de fraternité a trouvé sa pleine application constitutionnelle, en raison de la présence de la fraternité dans le préambule de la Constitution : la solidarité (ici envers les migrants) n’est plus un délit !

Le pape François insiste « il faut rêver ensemble … un nouveau rêve de fraternité et d'amitié sociale qui ne se cantonne pas aux mots". Chrétiens cela nous engage là où nous sommes. « Nous ne pouvons devenir les frères de tous que si nous prions ! » (Mgr Defois)…en clair, vivre en frères ce n’est pas facile !

Dom Helder Camara disait : « Lorsqu'on rêve tout seul, ce n'est qu'un rêve alors que lorsqu'on rêve à plusieurs c'est déjà une réalité. »Et si nous rêvions ensemble ? Amis lecteurs pensez-vous que « Fraternité » redevient un mot d’actualité, pensez-vous que c’est un rêve à cultiver comme nous y invite le pape François ? Dites-le-nous.

Commission Pensée Sociale, octobre 2021

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